Beneath Apple Manor : un pionnier du roguelike à (re)découvrir
Introduction
Dans l'histoire des jeux vidéo, Beneath Apple Manor tient une place à part. Sorti en 1978 sur Apple II, ce titre écrit par le programmeur Don Worth est souvent présenté comme le premier roguelike commercial. Il devance Rogue, auquel le sous‑genre doit son nom, d'au moins un an et prouve dès la fin des années 1970 qu'un ordinateur domestique pouvait proposer une aventure générée aléatoirement. Malgré des graphismes et des sons rudimentaires, le jeu séduisait par sa profondeur et a inspiré toute une génération de développeurs.
Histoire
Le contexte scénaristique est volontairement simple : le joueur incarne un aventurier chargé d'explorer les sous‑sols du manoir Apple à la recherche de la Pomme d'or. Selon le manuel, des membres cupides de la famille Apple auraient caché ce trésor dans un labyrinthe peuplé de monstres. Chaque partie débute au pied d'un escalier menant aux niveaux générés à la volée ; seuls les carrés adjacents au héros sont visibles, ce qui recrée l'angoisse de la découverte. Le but est d'atteindre les niveaux les plus profonds et de ramener la vraie pomme : de fausses pommes sont disséminées dans des trésors et renvoient le joueur au point de départ.
Graphismes
Graphiquement, Beneath Apple Manor est minimaliste. La version cassette de 1978 devait fonctionner avec seulement 16 Ko de mémoire. Les donjons sont constitués de carrés reliés par des couloirs ; en mode couleur, chaque élément est représenté par un bloc d'une teinte différente : bleu pour le héros, vert pour un slime, jaune pour un trésor et brun pour une porte. En noir et blanc, les monstres et le joueur sont symbolisés par des lettres ASCII. Le joueur peut choisir le nombre de pièces par étage (de 4 à 7) et activer la couleur ou le mode monochrome. Les versions ultérieures sur IBM PC utilisaient des graphismes CGA 320 × 200 en quatre couleurs et offraient la possibilité de sauvegarder. Malgré ces limitations, la lisibilité demeure excellente ; les monstres sont distincts et l'augmentation progressive de leur puissance — du slime à la salamandre en passant par le fantôme et le dragon — crée une vraie tension.
Bande son
Sur le plan sonore, Beneath Apple Manor fait figure de dinosaure. L'Apple II ne permettait que des bips et Don Worth a dû improviser : il utilisa un produit appelé Apple Talker pour enregistrer un bruit de porte qui s'ouvre et un choc d'épée, puis a réécrit le code d'interprétation en assembleur pour optimiser la lecture. Les critiques notent que le son est « encore pire que les graphismes » mais contribuent tout de même à l'ambiance. Il n'y a pas de musique ; les quelques effets ponctuent l'exploration et renforcent le sentiment de progression.
Jouabilité
C'est dans son système de jeu que Beneath Apple Manor se distingue. Il propose une exploration au tour par tour où chaque action consomme une partie de quatre caractéristiques : Force, Dextérité, Intelligence et Corps. La force sert aux attaques au corps‑à‑corps, la dextérité à se déplacer, l'intelligence à lancer des sorts (comme l'illuminateur des murs ou le sort de soin) et le corps représente les points de vie. Marcher, frapper ou lancer un sort réduit la jauge correspondante ; il faut donc se reposer pour regagner des points. Les ennemis, au nombre de cinq dans la version originale (slime, fantôme, troll, ver violet et dragon), possèdent chacun des capacités uniques : les slimes dissolvent l'armure tandis que les fantômes drainent définitivement la force.
Les niveaux sont générés à la volée et persistent jusqu'à ce que le joueur décide d'en générer un nouveau en « remixant » l'étage. On peut également définir la difficulté et le nombre de salles. L'exploration repose sur l'ouverture de portes (parfois bloquées), l'écoute pour détecter les monstres et l'utilisation prudente des sorts. Chaque ennemi vaincu rapporte de l'or et de l'expérience, qui servent à acheter du meilleur équipement et à améliorer les statistiques. Le jeu introduit aussi un système de sauvegarde novateur : le scan cérébral. En échange d'or, le joueur achète une sauvegarde de son esprit ; en cas de mort, il est réanimé au dernier scan, mais chaque réutilisation affaiblit les statistiques sauvegardées. De nombreux critiques soulignent que cette mécanique, qui permet de persister à long terme sans être punitive, rapproche le jeu des RPG modernes tout en conservant l'esprit rogue-like.
Durée de vie
La longévité de Beneath Apple Manor dépend du niveau de difficulté. Selon des analyses récentes, il faut environ une heure pour atteindre la Pomme d'or en mode facile et environ deux heures en mode normal. À cinq pièces par niveau, une partie complète dure généralement autour de quatre heures. Les variantes plus difficiles peuvent s'étendre bien davantage, d'autant que le jeu ne se termine pas vraiment : on peut continuer à descendre indéfiniment pour accumuler des trésors et monter en puissance. L'aléatoire et la personnalisation des étages assurent une bonne re jouabilité malgré la simplicité de la réalisation.
Conclusion
Plus de quarante ans après sa sortie, Beneath Apple Manor reste fascinant. Précurseur discret du roguelike, il combine génération procédurale, gestion de ressources et progression permanente. Ses graphismes rudimentaires et son absence de musique n'entament pas le plaisir de jeu : la tension créée par l'exploration et la fragilité du héros suffisent à tenir en haleine. Les critiques contemporaines saluent la stratégie nécessaire pour équilibrer stats, repos et combats, tandis que les historiens louent son rôle dans l'émergence des RPG sur micro‑ordinateurs. Pour les amateurs de rétro‑gaming, découvrir ou redécouvrir Beneath Apple Manor, disponible gratuitement sur le site de son auteur, c'est plonger aux origines d'un genre qui continue d'inspirer les titres contemporains.
Papa Gamer / Otaku / Amateur de RPG / Grand Consommateur de Rap / Blogueur pendant son temps libre